Un centre d’art contemporain ouvrira bientôt ses portes sur le toit-terrasse de la Cité Radieuse construite par Le Corbusier. Retour sur cette aventure.
Pour faire face à la pénurie de logements sociaux à Marseille dans les années 40, l’Etat français fait appelle à l’architecte et urbaniste suisse Le Corbusier qui inaugure en 1952 la première des cinq « unités d’habitation » qui verront le jour en France et en Allemagne pendant la période d’après-guerre.
Surnommée « la maison du fada », le bâtiment est révolutionnaire par sa taille et son esthétique et sa construction entraîne de nombreuses réactions. Souvent décriée car perçue comme un assemblage de « cages à lapin », la Cité est pourtant pensée par Le Corbusier comme une véritable ville dans la ville, où les couloirs sont appelés « rues », et où les habitants sont amenés à vivre ensemble et à former une véritable communauté. L’immeuble, situé dans un parc de 4 hectares, compte plus de 360 logements, une école maternelle, un espace commercial, un hôtel et un toit-terrasse abritant des équipements ouverts à tous (gymnase, auditorium en plein air, piscine pour enfants…). Classée au patrimoine en 1986, la cité verticale est aujourd’hui mondialement connue et est considérée comme un joyau de l’architecture moderne. Si la Cité Radieuse est avant tout vouée à l’origine à loger des sinistrés de guerre et des prolétaires, l’État met rapidement en ventes les appartements, qui sont aujourd’hui majoritairement occupés par une population « bobo » d’enseignants, d’architectes ou de designers.
Il y a quelques années, le toit-terrasse d’une superficie de 500m² et qui offre une vue imprenable sur la cité phocéenne est à son tour mis en vente. C’est le designer Ora-ïto, enfant de Marseille et passionné dès le plus jeune âge par Le Corbusier, qui s’en porte acquéreur. Designer touche-à-tout, Ora-ïto s’est fait connaître au début des années 2000 en détournant des logos célèbres pour créer la première marque entièrement virtuelle dont les objets (sacs monogrammés Vuitton, stylos Bic…) n’existent que sur la toile. Auteur d’un design élégant et futuriste, il collabore aujourd’hui avec de nombreuses marques (Heineken, Christofle, Adidas…) ; c’est notamment lui qui crée le flacon du parfum Idylle pour Guerlain et c’est encore lui qui conçoit en 2004 le très beau concept store de Toyota sur les Champs-Élysées.
Ce parisien d’adoption reste profondément attaché à Marseille et à son développement culturel. Il achète donc le toit-terrasse et entame d’importants travaux de réhabilitation pour redonner son aspect d’antan à l’espace à ciel ouvert qui a subi les outrages du temps. Les quelques 4 millions d’euros nécessaires au lifting du toit sont entièrement pris en charge par les copropriétaires, très impliqués dans la vie de l’immeuble et dans sa préservation.
Ora-ïto ouvrira donc son centre d’art contemporain à la Cité Radieuse en mai prochain à l’occasion de Marseille-Provence 2013. Baptisé MaMo (Marseille Modulator) en référence au système de mesure Modulator développé par Le Corbusier et comme un pied-de-nez au célébrissime MoMa de New-York, le centre accueillera pour sa première exposition Architectones de Xavier Veilhan . Le plasticien présentera à cette occasion des œuvres exclusives, spécialement conçues pour l’évènement et dans le respect de l’atmosphère du lieu. C’est d’ailleurs le projet d’Ora-ïto : présenter au minimum trois expositions monographiques exclusives par an. Infatiguable agitateur, il souhaite par ailleurs ouvrir bientôt un centre de création « culturel et pédagogique » sur un fort de l’île du Frioul, au large des côtes marseillaises, où il compte notamment installer une œuvre issue de chaque exposition du MaMo pour créer un parc de sculpture.
La Cité Radieuse, qui compte déjà plusieurs galeries d’art et de design et des librairies spécialisées et qui accueille de nombreux visiteurs chaque jour, abritera donc bientôt un centre de création ouvert à tous. Un rêve de gosse qui se réalise, la tête dans les étoiles.
Mathilde Doix, Etudiante Spécialisation CIC, 2012.