« On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans. »
Caroline Devic, Laure Justen, et Marie Nivel
J’ajouterais à ces propos de l’ami Rimbaud qu’on n’est pas plus sérieux quand on a 22 ans. Et qu’a priori, aller à l’opéra n’est pas dans nos habitudes, nous jeunes étudiants plein de vie de l’ESC Dijon. Aller à l’opéra ou aller chez grand-papa, même combat : peur de l’ennui, des histoires répétées encore et encore, et de cette odeur de renfermé qui nous met mal à l’aise. Oui, on sait qu’il faudrait y aller, qu’on pourrait découvrir des choses, être étonné. Qu’on pourrait y passer un agréable moment, et pourquoi pas, aimer ça !
Alors quand l’occasion s’est présentée à nous et à nos oreilles saturées de Lady Gaga et de Sexion d’Assaut, nous avons pris notre courage à deux mains. Quand faut y aller, faut y aller. Las de cette ignorance qui nous habite et nous ronge intérieurement (on est en spécialisation culture ou on ne l’est pas !), et armés de notre ouverture d’esprit et de notre curiosité, une tablette de chocolat dans la main, un gros pull sur nos épaules, nous sommes allés à la rencontre d’Agrippine.
Les premières notes sont jouées, la lumière se fait sur le plateau. Une inspiration suffit et, comme par magie, nous sommes plongés dans l’univers d’Haendel, ici mis en scène par Jean-Yves Ruff. Une scène de banquet se joue derrière les rideaux de chaîne qui délimitent l’espace sur scène. L’orchestre, si près de nous, poursuit sa mélodie. Une lettre est lue, Claude est mort, l’Empereur est mort.
La réjouissance l’emporte sur la tristesse, Néron sera son successeur, quoiqu’il puisse en coûter à Agrippine. Les stratagèmes se mettent en place, la manipulation se déploie tout au long de l’opéra où Agrippine, implacable, calcule ses moindres intérêts au détriment de Poppée, d’Othon, et des Dupont et Dupond de l’époque, Pallante et Narciso.
Toujours accompagnée de son fidèle animal – est-ce un homme ou un chien – avide de caresses, joueur, et parfois même jaloux, Agrippine trame sa machination et se sert de la concupiscence des hommes pour arriver à ses fins. Et tout pourrait se résumer à cette relation qu’entretient Agrippine et son animal : la performance du comédien est remarquable, et reflète à nos yeux la bestialité des relations entre hommes et femmes, et plus particulièrement la relation d’Agrippine aux hommes, ces objets, ces moyens qu’elle domine et dont elle nie l’humanité en exerçant sur eux un jeu de séduction et de pouvoir sans relâche.
Le temps file et nous sommes ébahis, il faut l’avouer, par la beauté des décors, des scènes, de la musique, des voix. Ce qui arrive à Agrippine, à Néron et aux autres, je ne vous le dévoilerai pas, afin de vous préserver le plaisir de (re)découvrir cet opéra. Cet opéra qui, le 6 octobre 2011, a séduit mes sens, a ravivé la magie et l’émerveillement dans les yeux de l’enfant que je suis encore aujourd’hui, une enfant de 22 ans qui a goûté pour la première fois aux plaisirs de l’opéra, laissant loin derrière elles ses idées préconçues.
Viva maestro !
Hugo Bruel et Sébastien Girault
Nous avons eu la chance d’admirer un opéra majestueusement orchestré. D’autant plus que la qualité sonore de la salle et l’espace sur scène est parfaite pour ce genre d’opéra. Nous avons apprécié l’humour parsemé le long des scènes intense, qui donne un peu de gaieté dans cet opéra dramatique pas forcement facile d’accès. Le côté moderne des costumes et des décors pourrait paraître inapproprié pour une histoire vielle de l’antiquité romaine. Mais cet aspect totalement assumé reste tout à fait justifié pour un opéra baroque et participe à conférer l’identité visuelle de l’opéra. L’espace scénique relativement vide par moment était malgré tout très bien maitrisé par les acteurs. Les décors minimalistes étaient très représentatifs avec un sens de l’esthétique accrocheur, tout comme les rideaux en chaine qui laissait entrevoir la face cachée des scènes. Un décor nous a fasciné au plus haut point, celui de la scène dans la forêt. On pouvait voir ici des jeux de lumière fabuleusement jetés sur les arbres du décor qu’on pourrait croire tout droit sortis d’un film d’épouvante.
La générale d’Agrippine, malgré ses 4h30 de durée, a réussi à nous tenir en haleine grâce à une mise en scène moderne et une interprétation vocale, théâtrale et musicale sensible. Mention spéciale à cet acteur atypique interprétant l’animal d’Aggripine: une interprétation quasi-muette, au travers de l’expression du corps, époustouflante. Ce fut une grande réussite.
Viva maestro !